Construire en chanvre : atouts, contraintes et mise en œuvre

Originaire d’Asie centrale, le chanvre (Cannabis sativa) est une plante annuelle cultivée depuis des millénaires pour :

• ses fibres dans la fabrication de cordages, de tissus ou encore de papier ;
• ses graines pour leurs bienfaits dans l’alimentation.

De nos jours, on cultive également le chanvre pour sa chènevotte (l’intérieur de la plante recouvert par la fibre) qui est utilisée pour de multiples usages dans le secteur du bâtiment.

En effet, une fois transformé, le chanvre devient léger, respirant et très résistant, ce qui en fait un matériau idéal pour construire et isoler.

Durable, ce matériau biosourcé s’intègre parfaitement dans une démarche de construction responsable en répondant aux exigences de confort, d’efficacité énergétique et de respect de l’environnement.

Construire une maison en chanvre séduit de plus en plus de ménages soucieux de réduire leur impact environnemental tout en gagnant en confort. Voici les principales propriétés du chanvre qui en font un matériau plébiscité dans le neuf, comme en rénovation.

Un matériau à l’empreinte carbone limitée

Tout comme la paille, le liège ou le bois, le chanvre présente plusieurs avantages sur le plan environnemental :

• une culture peu impactante, car le chanvre pousse rapidement, sans engrais ni pesticides et il nécessite très peu d’eau ;
• un stockage de carbone naturel pendant sa croissance qui réduit ainsi indirectement l’empreinte carbone de la construction ;
• un matériau recyclable qui fait qu’une maison en chanvre peut être déconstruite avec un impact réduit sur l’environnement, car les traitements de déchets de matériaux biodégradables ou réutilisables sont peu polluants.

Tandis que le bâtiment et la construction représentent le 3^e émetteur de gaz à effet de serre en France (43,8 millions de tonnes équivalent CO₂ en 2021 selon l’INSEE)_, utiliser du chanvre dans les nouveaux projets permet de limiter l’impact environnemental du secteur.

Une bonne isolation thermique et phonique

Avec une résistance thermique R proche de celle de la laine de roche ou de la laine de verre, le chanvre est un isolant thermique naturel qui offre un confort optimal en toutes saisons.

En effet, il possède une bonne inertie thermique qui lui permet de réduire les pertes de chaleur en hiver en limitant les ponts thermiques et les besoins en chauffage.

De plus, la capacité du chanvre à stocker la chaleur et à la restituer lentement contribue à améliorer le confort d’été d’un logement.

Les laines de chanvre peuvent avoir de très bonnes caractéristiques d’absorption acoustique, identiques à celles des laines minérales (laine de verre et laine de roche).

Qualitel liste pour les professionnels des laines végétales bio-sourcées qui peuvent être considérés comme absorbant acoustique. Découvrez la fiche d’exemples de solutions techniques au Référentiel Qualitel Acoustique – Isolants biosourcés (FEST n°OA23-B).

En ce sens, elles peuvent être placées dans des cavités pour améliorer l’isolation acoustique d’une paroi, par exemple entre deux plaques de plâtre, ou entre un mur en maçonnerie et une plaque de plâtre.

Toutefois, employée seule, la laine de chanvre est un très mauvais isolant acoustique. Pour rappel, une plaque de plâtre ou la maçonnerie est un bien meilleur isolant acoustique que les matériaux absorbants (laines de verre, de roche, de chanvre, etc.).

En revanche les fibres de chanvre en vrac possèdent une absorption acoustique moins importante que les laines de chanvre qui seront donc préférées pour améliorer l’acoustique des constructions.

En combinant le chanvre avec d’autres matériaux comme le bois et la chaux, rénover et construire des maisons à très haute performance énergétique et conformes à la réglementation environnementale en vigueur (RE 2020) devient possible.

Un habitat plus sain

Le chanvre favorise un environnement intérieur sain en régulant naturellement l’humidité et en ne dégageant aucun polluant chimique.

En effet, le chanvre absorbe l’excès d’humidité et le restitue lorsque l’air devient trop sec. Il contribue ainsi à prévenir les risques de condensation et de moisissures.

De plus, le chanvre ne dégage aucun composé organique volatil (COV), ce qui ne dégrade pas la qualité de l’air intérieur.

Enfin, construire en chanvre, c’est la garantie d’une maison sans nuisibles. En effet, le chanvre n’attire ni les insectes ni les rongeurs, ce qui réduit les risques d’allergies et optimise la sécurité des habitants.

Une flexibilité architecturale

Vous pensez que votre maison ne peut pas être rénovée avec du chanvre ou que votre projet de construction est incompatible avec ce matériau biosourcé ?

Détrompez-vous, le chanvre s’adapte à différents styles et techniques de construction.

Bien entendu, pour profiter d’un logement respirant et d’une isolation naturelle, une maison à ossature bois et béton de chanvre peut-etre une bonne solution. Dans ce cas, les blocs de chanvre remplacent les briques et parpaings.

En rénovation, les enduits et les chapes en chanvre peuvent être utilisés pour des finitions durables.

Que vous viviez dans une maison contemporaine, traditionnelle ou passive, le chanvre confère une grande liberté architecturale.

Le chanvre présente plusieurs avantages en construction, mais il comporte aussi des inconvénients à prendre en compte avant d’opter pour ce matériau.

Un coût plus élevé

Les matériaux à base de chanvre (béton de chanvre, isolants) sont souvent plus onéreux que les alternatives conventionnelles (béton classique, laine minérale).

Le coût de la matière première, la transformation artisanale et la mise en œuvre spécifique expliquent cette différence.

Une mise en œuvre technique et exigeante

La pose du béton de chanvre demande un savoir-faire particulier.

Il doit être correctement dosé, projeté ou coffré avec soin, puis subir un séchage long (jusqu’à plusieurs semaines).

Une mauvaise application peut altérer ses performances thermiques et mécaniques.  En plus d’appliquer les bonnes pratiques de pose, votre artisan se réfèrera aux documents de référence comme les avis techniques, afin de réaliser une bonne mise en œuvre des éléments.

Une résistance mécanique limitée

Le chanvre seul n’est pas structurel. Le béton de chanvre ne peut pas supporter de charges importantes, ce qui impose l’utilisation d’une ossature bois ou d’autres renforts.

Une filière en développement

La production de chanvre pour la construction reste plus limitée que celle des matériaux traditionnels, ce qui peut entraîner des difficultés d’approvisionnement et des coûts logistiques plus élevés selon votre région.

Bien que ces inconvénients existent, ils sont souvent compensés par ses performances lorsqu’il est bien utilisé.

Le chanvre est utilisé sous différentes formes répondant à des usages spécifiques dans le bâtiment. Voici un tour d’horizon des solutions disponibles, leur composition et leur mise en œuvre.

La laine de chanvre

La laine de chanvre est un isolant biosourcé fabriqué à partir des fibres longues de chanvre (filasse – partie ligneuse de la fibre) affinées et cardées.

Toutefois, elle est parfois mélangée à d’autres composants naturels comme la ouate de cellulose, la laine de coton ou des fibres de polyester pour améliorer sa tenue. Elle peut aussi contenir un liant naturel ou une faible proportion de polyester (généralement moins de 10 %) pour assurer une meilleure cohésion des panneaux.

La laine de chanvre est généralement conditionnée sous deux formes :

• les panneaux semi-rigides, adaptés aux murs, toitures et planchers. C’est une solution idéale en rénovation comme doublage intérieur ;
• les rouleaux, utilisés pour l’isolation entre les chevrons ou dans les combles dans le neuf comme en rénovation.

Les blocs de chanvre

Les blocs de chanvre sont des briques préfabriquées composées de chènevotte et de chaux compressées pour former un matériau solide et isolant.

Les blocs de chanvre servent à la construction de murs porteurs ou de remplissage. Dans ce cas, les blocs s’assemblent comme des parpaings et sont enduits pour assurer leur protection. Ils peuvent aussi servir à l’isolation des façades. Montés sur une structure existante, ils renforcent l’isolation thermique et acoustique du logement.

Faciles à assembler, les blocs de chanvre sont empilés en quinconce pour construire des murs porteurs. Pour parfaire le résultat, un enduit à base de chaux les protège et améliore leur esthétique.

Recourir aux blocs de chanvre garantit une construction rapide à forte inertie thermique.

Le béton de chanvre

Pâte homogène, le béton de chanvre est un mélange de chènevotte, de chaux et d’eau utilisé dans les constructions depuis la fin des années 1980.

Il est léger, respirant et possède d’excellentes propriétés isolantes.

Le béton de chanvre s’utilise de différentes manières :

• en remplissage d’ossature bois. Projeté ou coulé entre des coffrages, il crée des murs isolants et perspirants ;
• en dalles isolantes. Utilisé pour isoler les sols contre zones non chauffées ou contre terre, il limite les remontées d’humidité et améliore l’inertie thermique ;
• en toiture. Sous forme de panneaux ou de projection, le chanvre renforce l’isolation thermique et phonique.

La chaux-chanvre

La chaux-chanvre est un matériau biosourcé issu du mélange de chènevotte et de chaux naturelle.

Grâce à ses propriétés isolantes et respirantes, elle est utilisée aussi bien en construction qu’en rénovation selon les besoins du bâtiment :

• l’enduit chaux-chanvre est appliqué en couche fine sur les murs pour améliorer l’isolation thermique et réguler l’humidité tout en offrant une finition naturelle ;
• le béton de chaux-chanvre, coulé ou projeté en grande épaisseur, est utilisé pour la construction de murs isolants ou pour la rénovation des sols et toitures ;
• le mortier chaux-chanvre, intermédiaire entre l’enduit et le béton, s’applique en couches épaisses pour renforcer l’isolation avant une finition.

Les enduits à base de chanvre

Les enduits à base de chanvre sont des mélanges de chaux et de fibres de chanvre appliqués sur les murs pour :

• améliorer le confort thermique ;
• réguler l’humidité ;
• protéger le bâti.

Contrairement à la laine de chanvre, ce ne sont pas des isolants en tant que tels, mais ils agissent comme un complément d’isolation thermique et hygrométrique.

On distingue plusieurs types d’enduits :

• enduit isolant au chanvre appliqué en épaisseur pour améliorer l’isolation thermique ;
• enduit de finition utilisé pour une finition décorative respirante ;
• enduit correcteur thermique, plus mince, pour améliorer le confort thermique sans modifier l’épaisseur des murs.

Les enduits à base de chanvre sont particulièrement adaptés à la rénovation de bâtiments anciens pour accroître leur confort thermique tout en respectant l’authenticité du bâti.

Construire en chanvre est une solution innovante et performante, mais elle implique plusieurs contraintes techniques à anticiper pour garantir la pertinence et la durabilité de son projet.

Une gestion rigoureuse de l’humidité

Hygroscopique, le chanvre absorbe et restitue naturellement l’humidité ambiante. Cette propriété améliore votre confort intérieur, mais elle nécessite des précautions.

Par exemple, les murs en béton de chanvre doivent être protégés par des enduits respirants à base de chaux ou par un bardage ventilé pour éviter toute dégradation liée à l’humidité extérieure.

À l’intérieur, installez une ventilation adaptée, comme une VMC. Un pare-vapeur n’est requis qu’avec la laine de chanvre.,.

Le contrôle de la compatibilité avec les autres matériaux

Le chanvre se combine avec des matériaux naturels et respirants, comme le bois, la pierre ou la chaux.

En revanche, il est incompatible avec le ciment et d’autres revêtements imperméables qui bloquent les échanges hygrométriques. Cette combinaison de matériaux peut provoquer des problèmes de condensation et détériorer les performances du chanvre.

La résistance mécanique et la mise en œuvre

Le béton de chanvre est un matériau isolant, mais non porteur. Ainsi, il doit impérativement être associé à une ossature en bois ou en métal pour assurer la stabilité de la construction.

Lors de la mise en œuvre, le professionnel chargé de votre projet doit respecter les délais de séchage du béton de chanvre avant d’appliquer un enduit ou un revêtement.

En somme, une bonne planification du chantier s’avère indispensable pour éviter des erreurs graves et garantir la pérennité du bâtiment.

Le respect des normes et réglementations

La construction en chanvre est encadrée par des règles professionnelles spécifiques, notamment celles régissant l’utilisation du béton de chanvre en parois verticales (murs).

Certains produits isolants doivent disposer d’un avis technique délivré par le CSTB pour être utilisés dans certaines applications. L’avis technique est un document qui précise la composition, les performances, les modalités de mise en œuvre et l’aptitude à l’emploi d’un produit.

Par ailleurs, comme les autres maisons, les logements construits avec du chanvre doivent respecter les e xigences de la RE 2020, qui impose des standards élevés en matière de performance énergétique et d’empreinte carbone.

Le prix de construction d’une maison en chanvre dépend de plusieurs facteurs, notamment :

• sa superficie ;
• le niveau de finition ;
• les matériaux employés ;
• la localisation du projet.

De manière générale, construire en chanvre peut s’avérer plus onéreux qu’une construction conventionnelle. Cette différence de coût s’explique par :

• la rareté des entreprises spécialiséesdans la construction ou la rénovation à partir de chanvre ;
• le prix plus élevé des matériaux biosourcés.

Pour obtenir une estimation précise des coûts d’un projet de construction ou de rénovation en chanvre, sollicitez plusieurs devis auprès d’entreprises expertes du chanvre.

Pour finir le tour d’horizon du chanvre dans la construction, voici un bilan qui reprend les bonnes raisons de l’utiliser et les contraintes à connaître avant de se lancer :

✅ Avantages du chanvre en construction :

• durable et renouvelable ;
• excellentes performances thermiques ;
• régulateur naturel d’humidité ;
• qualité de l’air préservée ;
• faible impact carbone grâce au stockage du CO₂ ;
• résistant aux nuisibles et au feu (sans traitements chimiques).

❌ Inconvénients du chanvre en construction :

• coût plus élevé que les matériaux traditionnels ;
• mise en œuvre technique nécessitant un savoir-faire spécifique ;
• temps de séchage long pour le béton de chanvre ;
• résistance mécanique limitée (nécessite une ossature) ;
• sensible aux infiltrations d’eau en cas de mauvaise conception ;
• filière encore en développement (disponibilité et coût d’approvisionnement variables).