Les périodes de confinement récentes ont amené les Français à réinterroger la qualité de leur logement et notamment son adéquation, ou non, avec leurs besoins réels. Les envies de pousser les murs ou de déplacer des cloisons, de créer ce bureau isolé qui fait tant défaut, ont envahi les esprits. Le logement évolutif apporte une réponse concrète à ces besoins, d’autant que le vieillissement, les accidents de la vie, les handicaps, l’agrandissement de la famille ou encore le départ des enfants sont autant de motifs pour reconsidérer l’organisation des espaces intérieurs. Et c’est encore plus vrai si l’on réside en milieu urbain, là où la pression immobilière est la plus forte. Tout pousse donc à considérer les lieux de vie autrement que comme totalement figés dans un plan inaltérable.
Le logement évolutif, une histoire ancienne d’actualité
La question du logement évolutif ne date pas d’hier. « C’est une notion qui a émergé au début du XXe siècle et qui s’est théorisée après la seconde guerre mondiale avec les avancées technologiques des procédés de construction, l’apparition de la production de masse et la standardisation des logements », rappelle le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) qui a livré en juillet 2020 un rapport d’étude intitulé « Le logement évolutif : une réponse pour l’accessibilité universelle des logements ? ». En octobre 2018, la notion apparaît dans la loi Élan qui a pour ambition de « faciliter la construction de nouveaux logements et de protéger les plus fragiles ». Dans le Baromètre QUALITEL 2020, les Français plébiscitent les logements flexibles : ils donnent une note de 8/10 (Qualiscore) à un habitat très facile à faire évoluer. De son côté, le Cerema dresse dans son rapport un état des lieux de l’appropriation de cette notion par les acteurs de la construction. Dans un premier temps, il rappelle qu’il existe plusieurs types d’évolution du logement. Il peut s’agir de la modification interne, on parlera alors de « modularité » si l’aménagement est temporaire ou de « flexibilité » si les changements sont plus durables. Si l’on joue sur la taille du logement en rajoutant ou en supprimant une pièce, on parle d’« élasticité ».
S’approprier son chez soi
Dans le meilleur des mondes, l’objectif est de « rendre l’habitant acteur de son logement, en le faisant participer dès la phase conception et en lui offrant la possibilité de l’adapter et de le personnaliser en fonction de ses besoins pendant la phase d’occupation ». Sébastien Froment, chef de projet accessibilité et innovation bâtiment au Cerema et auteur de cette étude, constate que pour l’heure, « les logements sont de plus en plus difficiles à modifier à cause de la construction, alors que pour les occupants, adapter son logement selon les besoins aux différentes étapes de la vie, faciliter les travaux et les adaptations à faire, sont des avantages tout à fait identifiés ».
L’idée est donc « d’avoir une réflexion sur un coût global de la construction, de voir sur le long terme ». Mais offrir la possibilité de s’approprier son chez-soi se heurte à la réalité de la construction qui est aujourd’hui la suivante : « les logements sont de plus en plus petits, avec des structures de plus en plus rigides alors qu’il faudrait au contraire plus de place pour faire évoluer son logement selon ses besoins », regrette Sébastien Froment.
Changer de paradigme pour généraliser le logement évolutif
Techniquement, il est facile de proposer des constructions évolutives. C’est notamment du côté des PLU et des permis de construire qui demandent un usage identifié, et de la rentabilité que le bât blesse. « Il y a encore beaucoup de sensibilisation et de formation à faire auprès de acteurs de la construction pour saisir les possibilités », remarque Sébastien Froment.
Une fenêtre s’ouvre toutefois avec la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine et son « permis d’innover ». Il permet de déroger à la réglementation si l’on propose quelque chose d’innovant dans le logement, qui participe à la création de la ville de demain. Cette note d’optimisme se double de la mise en place de la RE 2020 qui dans son sillage va introduire de nouveaux matériaux dans la construction, par exemple le bois, plus malléable.
En 2003 au Chili, l’agence d’architecture Elemental livrait les logements sociaux du projet de Quinta Monroy. Des maisons à moitié terminées, avec un équipement minimum et la possibilité d’agrandir selon les besoins et les moyens ainsi que de faire des finitions à son goût. Radical en son temps, ce projet est d’actualité sans pareille. Sébastien Froment imagine d’ailleurs que « les constructeurs feraient murs et réseaux et les propriétaires aménageraient à leur convenance ». La marge de manœuvre reste faible mais l’appel à manifestation d’intérêt national « Engagé pour la qualité du logement de demain » qui reconnaît la nécessité de la qualité d’usage dans le logement porte l’espoir d’un grand pas en avant.