Emmanuelle Cosse, Présidente de l’USH : « Il est très précieux d’avoir une association comme QUALITEL qui, par sa gouvernance, son expertise et son indépendance, réalise un travail essentiel de concertation et de synthèse sur la qualité du logement »

L’Union Sociale pour l’Habitat (USH) représente 593 organismes HLM à travers 5 fédérations, particulièrement investies en faveur du développement et de l’accès au logement social en France. A l’occasion des 50 ans de l’Association QUALITEL, Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH, revient sur les grands enjeux en matière de qualité de l’habitat à la lumière de la crise que traverse actuellement le secteur.

Quelles ont été pour vous les avancées les plus significatives en matière de qualité de l’habitat ces 50 dernières années ?

Nous sommes dans une situation assez paradoxale depuis plusieurs décennies. Nous devons considérer, 50 ans après la mise en place de la première règlementation thermique, suivie de la loi Spinetta, l’extraordinaire renforcement des mesures de performance et de sécurisation de la construction de logements en France. Sur le temps long, nous avons pu voir la façon dont nous sommes en mesure de mobiliser les partenaires de l’acte de construire pour intégrer des cibles de performance de plus en plus englobantes, ce que plusieurs pays nous envient. Il y a eu des effets de cliquet, notamment lorsque nous avons élargi le spectre des indicateurs de performance du bâtiment. Passer d’une mesure de performance énergétique à une performance environnementale du bâtiment, en internalisant les enjeux carbone et de production d’énergie, était un pas essentiel introduit par la démarche E+C- en préfiguration de la RE2020. Ce travail préparatoire et d’expérimentation, avec la dynamique de labellisation à laquelle QUALITEL a contribué, a été une vraie source d’apprentissage pour la filière.

Maintenant, nous ne devons pas oublier que si nous progressons indéniablement sur notre appareillage normatif en matière de qualité du logement, nous ne parvenons pas à enrayer les situations de mal-logement sur l’ensemble du territoire et observons a contrario l’intensification des signaux d’alerte en la matière – 2,6 millions de ménages étaient en attente d’un logement social l’an dernier. Il y a un sujet fondamental, qui est celui de permettre aux logements neufs d’être produits. C’est évidemment un enjeu sociétal majeur, mais aussi ce qui doit nous permettre de rendre tangibles toutes les cibles de performance et de qualité du logement. Il ne faut pas oublier que la mise en œuvre de tout nouveau seuil de performance repose sur une courbe d’apprentissage pour l’ensemble de la filière, et les maîtres d’ouvrages HLM ont toujours répondu présent pour alimenter cette dynamique. En la matière, la situation actuelle est très alarmante. A cet égard, porter atteinte à la loi SRU, c’est pénaliser tout l’écosystème en faveur de la construction de logements neufs porteurs de nos objectifs de qualité environnementale du bâtiment.

Quel regard portez-vous sur la qualité du logement aujourd’hui et quelle vision en avez-vous pour le futur ?

Nous vivons un moment qui peut être charnière dans notre appropriation des qualités générales de notre parc de logements. Environ les deux tiers des logements existants ont été construits avant la RT1974. Notre agenda de décarbonation du parc nous impose aujourd’hui de réinvestir de façon conséquente sur ces bâtiments, ce que les bailleurs sociaux mesurent très clairement. Or, nous observons bien que ces logements, s’ils ne sont pas performants d’un point de vue thermique ou d’émissions de carbone, présentent dans de nombreux cas des qualités certaines en termes d’équipements, de distribution de l’espace ou de luminosité. Nous devons parvenir à combiner ces qualités d’usage initiales avec un travail d’amélioration des performances thermiques, acoustiques ou carbone inspiré des méthodes appliquées dans le neuf. Ce travail d’optimisation des qualités de l’existant et de « seconde vie du bâtiment » est tout à fait actuel dans le cadre du ZAN et de la décarbonation.

S’agissant de la construction neuve, nous avons la responsabilité, en tant que maîtres d’ouvrage, d’intégrer les éléments essentiels de la qualité des logements de demain. Un facteur important sera la donnée environnementale, en gérant mieux la ressource en eau et la biodiversité. Nous devons parvenir à rendre plus résilientes nos constructions face au dérèglement climatique enclenché. La dernière variable sera nécessairement de tenir compte de l’évolution des modes de vie des ménages, du vieillissement de la population, des changements de pratiques de travail, de mobilité et de consommation, qui invitent à redessiner l’usage des espaces et des équipements.

Selon vous, quel rôle a joué l’Association QUALITEL et la certification en faveur de la qualité de l’habitat ? Comment amplifier ses actions tant auprès des professionnels que des particuliers ?

Il est évidemment très précieux d’avoir, au sein de notre système d’acteurs du logement, une association comme QUALITEL qui, par sa gouvernance, son expertise et son indépendance, réalise un travail essentiel de concertation et de synthèse sur la qualité du logement. L’amélioration continue et rigoureuse des référentiels techniques établis au sein de QUALITEL aiguille nécessairement les choix programmatiques de la maîtrise d’ouvrage HLM qui voit dans la certification une garantie à apporter à ses partenaires et locataires. La capacité de l’Association à porter des démarches de réflexion et de prospective comme le Baromètre constitue un point d’ancrage pour notre appréciation collective des enjeux de la qualité des logements.

Il convient aujourd’hui de s’assurer que l’apport de la certification porte sur le défi massif de la réhabilitation du parc de logements. Si la planification des travaux est opérée au sein du secteur HLM, il est essentiel que le parc privé et les copropriétés soient davantage investis dans l’appropriation des outils apportés par QUALITEL.

Le secteur du logement traverse une crise sans précédent et pour y répondre, vous plaidez pour un développement massif du nombre de logements sociaux. Quelles sont vos propositions pour sortir de cette crise qui touche durement les Français les plus fragiles ?

Je défends le modèle formidable du logement social en France, mais je ne dis pas qu’il doit répondre à toutes les difficultés et tous les publics. Le secteur du logement et de la construction, sociale et privée, est aussi facile à mettre à l’arrêt que complexe à faire redémarrer. Nous vivons une crise de la demande, très largement désolvabilisée par la hausse des taux d’intérêt, par l’inflation, par la précarisation d’une partie de la population, par la spéculation foncière. Résultat : l’ensemble des segments du secteur est grippé, la mobilité résidentielle est à l’arrêt et le nombre de demandes de logement social explose. Face à cela, l’État ne joue plus son rôle de pilote, de financeur et de coordinateur.

Le Logement est impensé depuis 2017. Nous demandons le retour de la puissance publique, par des budgets évidemment (on ne peut pas faire plus avec moins), mais aussi par des ambitions sur le portage de politique publique ambitieuse (les réhabilitations structurantes, la rénovation urbaine, la production de la ville dans la frugalité foncière par exemple). Nos propositions sont assez simples : qu’on nous accompagne pour faire correctement notre métier, comme le modèle HLM le permet depuis 100 ans. Il ne faut pas confondre l’innovation nécessaire pour répondre aux défis du jour et du lendemain et la foire aux idées médiatiques pour sembler disruptif. Nous avons simplement besoin d’engagement, de lisibilité et de permanence de la part de l’État pour tenir les objectifs qu’il nous a lui-même assignés.

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