Vous présidez l’ANRU depuis le 1er septembre 2022. Quelles ambitions portez-vous en faveur du renouvellement urbain et de la qualité de l’habitat ?
La politique de la ville doit promouvoir le développement équilibré des territoires, la ville durable, le droit à un environnement sain et de qualité et la lutte contre la précarité énergétique.
La question du logement est centrale pour l’atteinte des objectifs croisés de mixité sociale et de développement durable assignés au renouvellement urbain, et représente de fait l’objet principal de financement par l’ANRU dans le cadre du PNRU (Programme National de Renouvellement Urbain) et du NPNRU (le Nouveau programme national de renouvellement urbain), qu’il s’agisse de requalification du parc existant ou de production d’une offre nouvelle.
Elle doit s’inscrire dans une stratégie territoriale en cohérence et articulée avec les autres types d’intervention sur le logement (requalification du parc social, intervention sur les copropriétés dégradées, stratégies d’attribution).
L’intervention sur le logement est diverse :
- La requalification du parc social prépondérante dans le PNRU comme dans le NPNRU, et le niveau d’intervention a été renforcé entre les deux programmes, favorisant des réhabilitations de qualité, plus performantes et pérennes*.
- La reconstruction de l’offre de logements sociaux démolie en dehors des quartiers prioritaires, pour favoriser la mixité sociale.
- La requalification des copropriétés dégradées en articulation avec les interventions financées par l’Anah ou leur recyclage (démolition ou transformation pour une autre vocation).
Soucieuse de la qualité des réhabilitations qu’elle finance, l’ANRU a lancé cette année une mission d’expertise ayant pour objectif de proposer aux porteurs de projet et maîtres d’ouvrages une démarche et un référentiel permettant d’examiner, questionner, orienter les projets de réhabilitation croisant des approches programmatiques, environnementales, architecturales, urbaines, énergétique, appréhendant leur impact social… pour en assurer la qualité, l’ambition et la durabilité.
Dans le cadre de cette étude, des ateliers d’échange et de capitalisation seront organisés, auxquels QUALITEL sera invité à participer.
*Ainsi, l’investissement par logement a plus que doublé passant de 17 000€ à 41 000 € HT et, en parallèle, les financements ont été multipliés par six (de 3 000€ /logement à 20 000€ / logement).
Les Français sont de plus en plus soucieux d’habiter des logements sobres et économes en énergie, tant pour des raisons environnementales qu’économiques. De quelle manière l’ANRU accompagne-t-elle ces légitimes attentes ?
L’ANRU finance des rénovations nécessairement performantes sur le plan énergétique, avec 70 % des projets au niveau BBC Rénovation, ce qui correspond en général à des étiquettes DPE de classe B, sinon C. Dans le neuf, les bâtiments respecteront la nouvelle règlementation énergétique et environnementale RE2020, et seront ainsi d’étiquette A. Ainsi, la grande majorité des ménages concernés devraient sortir de la précarité énergétique. L’excellence énergétique et environnementale est encouragée avec un système de bonus de financement pour les opérations les plus exemplaires, et des programmes d’innovation opérés par l’ANRU au titre de France 2030 permettent d’expérimenter et de déployer des solutions plus performantes. Ces dispositifs contribuent à faire des quartiers des acteurs de la transition énergétique et de la décarbonation, en travaillant sur la performance énergétique à l’échelle du bâti et du quartier, et ainsi à la lutte contre la précarité énergétique très prégnante dans ces quartiers, mais en déployant aussi des réponses très concrètes en matière de rafraîchissement urbain, de réemploi des matériaux, de recours aux matériaux biosourcés…
En 2021, dans le cadre de son Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU), l’ANRU a signé un partenariat avec l’Association QUALITEL et son organisme certificateur CERQUAL pour encourager la construction et la rénovation selon des critères d’excellence environnementale matérialisés par des labels et la certification. Concrètement, quelles sont les avancées constatées depuis ?
QUALITEL et CERQUAL mettent à disposition de l’ANRU des données et des expertises très utiles à la montée en connaissance et compétence collective. QUALITEL a par exemple formé les équipes opérationnelles de l’ANRU à la RE2020. CERQUAL a récolté les données relatives à la qualité et la performance des opérations certifiées financées par l’ANRU, qui montrent que ces projets sont de plus en plus vertueux avec un grand nombre de logements certifiés NF Habitat HQE, parfois avec des labels d’excellence tels que « Bâtiment biosourcé » ou encore l’atteinte anticipée du seuil 2025 de la RE2020, et des curseurs poussés encore plus loin par l’application des meilleures exigences de CERQUAL sur les sujets d’impact carbone, qualité de l’air intérieur, économie circulaire, et biodiversité. Le travail qui se poursuit a vocation à encourager l’excellence pour l’habitat dans les quartiers prioritaires et ainsi améliorer la vie des habitants.
En quoi le nouveau programme partenarial « Quartiers résilients » lancé récemment par le ministre du logement et accompagné par l’ANRU, peut-il améliorer à terme la qualité de l’habitat dans les quartiers prioritaires ?
La démarche « Quartiers Résilients » vise à accompagner les opérations de renouvellement urbain pour qu’elles puissent contribuer de manière à renforcée la résilience des territoires. Concrètement, il s’agit de déployer des solutions qui permettront aux quartiers de faire face aux crises, dont les impacts sont renforcés dans ces territoires qui concentrent la pauvreté, et ainsi d’atténuer leurs vulnérabilités multiples.
La démarche mobilise 100M€ du NPNRU, et la contribution de partenaires tels que l’ADEME, la Caisse des dépôts ou encore les Agences de l’Eau qui ont rejoint la démarche. Le Fonds vert a vocation à être mobilisé de manière privilégiée dans les quartiers inscrits dans la démarche.
Dans le domaine de l’habitat, les projets soutenus seront principalement liés à la question de la sobriété en ressources (énergie, eau, matériaux), à la sortie des énergies fossiles, et à l’adaptation au changement climatique, mais il s’agit aussi grâce au partenariat avec l’Anah, d’accompagner spécifiquement les problématiques d’habitat privé. Ces bâtiments seront donc moins consommateurs pour des factures moins élevées, plus sains et plus confortables car mieux adaptés aux périodes de forte chaleur.
Depuis de nombreuses années, l’ANRU accompagne la transformation des quartiers prioritaires dans les départements ultramarins dans le cadre du NPNRU. Quelles sont les spécificités des programmes menés Outre-Mer et les attentes des ultramarins en matière de qualité de l’habitat ?
Il est à noter que dans les départements ultramarins, l’ANRU ne finance que la démolition, la production et la réhabilitation de logements sociaux, comme l’aide à l’accession, relevant de la Ligne Budgétaire Unique financée par le Ministère chargé des Outre-mer. Dans le cadre du NPNRU, l’ANRU mobilise près de 500M€ d’aides et la LBU (Ligne Budgétaire Unique) représente près de 100M€ de financement, générant près d’un milliard d’euros d’investissement.
4 grands types d’interventions sont à noter :
- Des ensembles d’habitats sociaux avec des enjeux de requalification ou de démolition/reconstruction, notamment aux Antilles et à la Réunion
- Des quartiers anciens de centre-ville qui présentent des problématiques de recyclage d’îlots et de copropriétés dégradées, par exemple en Guyane
- Des quartiers en développement, comme à la Réunion
- De l’habitat informel, que l’on retrouve en particulier à Mayotte et en Guyane, et qui invite à s’interroger sur des modes de transformation adaptés, qui peuvent par exemple donner lieu à de l’auto-réhabilitation encadrée.
Les territoires ultramarins ont des vulnérabilités identifiées dont la prise en compte impacte la production ou la requalification du logement pour des populations fragiles sur les plans économique et démographique : risques climatiques (épisodes caniculaires et pluvieux), risques naturels (cyclones et séismes aux Antilles), inondations et risques côtiers (recul du trait de côte, submersion marine). En matière d’habitat, l’enjeu est fort à déployer des approches bioclimatiques.
Par ailleurs, l’air marin a pour effet une obsolescence plus rapide des bâtiments et dans les centres anciens, on relève une présence plus forte des termites dans les bâtiments à ossature bois.
Certains territoires sont de plus confrontés au développement d’un habitat informel où l’équipement en infrastructures n’a de fait pas été traité (raccordement aux réseaux).
L’autre caractéristique qui pèse sur le logement en outre-mer est relative à son coût plus important (provenance et approvisionnement des matériaux).
Il est essentiel de mener des réflexions spécifiques sur la résilience de ces territoires plus fortement exposés aux crises.