Quels sont les enjeux actuels auxquels doivent répondre les produits de construction ?
La stratégie nationale bas carbone mise en place par l’État en 2015 et révisée en 2018-2019 afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 concerne directement le secteur du bâtiment puisqu’il génère près d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre en France.
Aujourd’hui, pour baisser l’empreinte carbone des logements, nous pouvons actionner deux leviers : diminuer les consommations énergétiques en phase d’exploitation, notamment grâce à des énergies décarbonées ainsi qu’une isolation et des modes de chauffage performants, et réduire l’impact carbone des produits de construction tout au long de leur cycle de vie. Ce deuxième mode d’action est introduit par la nouvelle réglementation RE2020 qui poursuit trois objectifs principaux : donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l’énergie, diminuer l’impact carbone de la construction des bâtiments et améliorer le confort en cas de forte chaleur. Dans ce contexte, des produits de construction dits « bas carbone » et des « éco-matériaux » apparaissent sur le marché.
Comment peut-on définir un éco-matériau ?
Il n’existe aucun produit n’impactant pas l’environnement mais la notion d’éco-matériau ou de matériau écologique a récemment émergé. La commission de normalisation P01E « développement durable dans la construction » en a donné une définition complète : « Un éco-matériau est un matériau qui, sur l’ensemble de son cycle de vie (production, transport, mise en œuvre, vie en œuvre, fin de vie), présente des performances environnementales et sanitaires supérieures aux matériaux assurant le même usage dans le bâtiment, et mis en œuvre selon les règles de l’art. Les performances environnementales et sanitaires d’un matériau s’évaluent par sa capacité à conférer de bonnes performances environnementales et sanitaires à l’ouvrage. »
Il faut donc évaluer les matériaux de construction de façon multicritère. Pour les aspects environnementaux, il s’agit de considérer les impacts en termes d’empreinte carbone mais aussi de consommation d’énergie et d’eau, de production de déchets, ou encore d’épuisement des ressources. Malheureusement, il n’existe à l’heure actuelle aucun référentiel consensuel fixant pour ces différents impacts environnementaux des seuils permettant de définir ce qu’est un produit bon pour l’environnement.
Par ailleurs, un produit de construction n’est pas un produit comme les autres car c’est un composant intermédiaire qui a vocation à être intégré dans un bâtiment associé à d’autres produits pour contribuer aux performances d’ensemble de l’ouvrage. L’échelle du bâtiment est par conséquent la seule pertinente pour évaluer globalement les performances environnementales des produits de construction.
Un éco-matériau n’est donc pas seulement vertueux pour l’environnement mais aussi pour la santé humaine ?
Tout à fait, un éco-matériau doit concilier performances environnementales et sanitaires. D’autant que l’utilisation de produits de construction sans effet néfaste sur la santé humaine est aujourd’hui un véritable enjeu, notamment vis-à-vis de la qualité de l’air intérieur des bâtiments.
C’est pourquoi la performance sanitaire des produits de construction s’apprécie également de façon multicritère : par des caractéristiques techniques connues (étanchéité à l’eau, aux gaz, résistance aux chocs thermiques, perméabilité à la vapeur d’eau…) et par d’autres plus spécifiquement sanitaires dont l’évaluation nécessite des essais et méthodes spécifiques (émissions de substances dangereuses dont les composés organiques volatils et formaldéhyde, émissions radioactives naturelles, émissions de fibres et particules…).
Quels matériaux choisir sur les chantiers de construction et de rénovation ?
Les produits à privilégier sont ceux dont les caractéristiques techniques, économiques, environnementales et sanitaires permettent, moyennant une mise en œuvre conforme aux règles de l’art et aux prescriptions du fabricant, d’obtenir la qualité visée de l’ouvrage sur les plans technique, environnemental et sanitaire, dans le cadre d’un budget imparti.
Le critère essentiel dans le choix d’un produit est tout d’abord celui de sa performance technique c’est-à-dire sa capacité à remplir de façon satisfaisante la fonction qu’il occupe dans le bâtiment afin qu’il dure dans le temps : performance thermique/acoustique pour un isolant, classement Air-Eau-Vent pour des menuiseries, résistance à l’abrasion pour un revêtement de mur, résistance au temps et conditions d’utilisation pour un revêtement de sol, rendement pour un système de chauffage…
Les évaluations techniques sont indispensables pour juger de l’aptitude à l’emploi des produits de construction et afin d’assurer les travaux. L’obtention d’une assurance ne pose en général pas de problème pour la mise en œuvre des produits de construction dont les performances sont reconnues et les techniques de pose maîtrisées (produits dits « traditionnels »), disposant d’une norme ou d’un document technique unifié (DTU). Les produits disposant de règles professionnelles validées par l’Agence Qualité Construction (AQC) leur donnent valeur de DTU. Les produits innovants sont soumis à des évaluations volontaires destinées à estimer leur potentialité technique : aptitude à l’emploi, durabilité, conformité à la réglementation française (avis technique et document technique d’application).
Malgré les performances intrinsèques de chaque produit, c’est bien la conception optimisée du bâtiment dans son ensemble, en associant intelligemment des procédés et produits de construction, qui permet d’atteindre la performance attendue. C’est pourquoi il est impossible de dissocier les caractéristiques environnementales des produits de leurs caractéristiques techniques (voire économiques). Les produits de construction les plus respectueux possibles de l’environnement sont donc ceux qui, grâce à leurs performances techniques et à leurs impacts environnementaux intrinsèques maîtrisés confèrent des performances techniques à l’ouvrage lui permettant d’avoir également des impacts maîtrisés sur l’environnement.
Quels sont les outils disponibles pour guider le choix des matériaux ?
Les certifications telles que NF ou QB garantissent la qualité et la performance des produits en attestant que le fabricant a accepté de se soumettre à des contrôles réguliers, menés par des organismes indépendants. Par exemple, pour le choix d’un isolant, la certification ACERMI est un bon critère de qualité. Les certifications CSTB pour les produits de construction, Acotherm pour les menuiseries et Cekal pour les vitrages sont d’autres repères de confiance. Le site d’AFOCERT (Association Française des Organismes de Certification des Produits de Construction) renseigne sur toutes les certifications de produits de construction disponibles en France.
D’autre part, la base INIES met en consultation gratuite les FDES (Fiches de Déclaration Environnementale et Sanitaire) pour les produits de construction et les PEP (Profils Environnementaux Produits) pour les équipements du bâtiment, qui fournissent les résultats de 28 indicateurs environnementaux normalisés au travers d’une analyse du cycle de vie (ACV).
Des labels peuvent aussi garantir des produits plus respectueux de l’environnement et des émissions de COV et de certaines substances toxiques réduites : Ecolabel européen, GUT (Allemagne) pour les moquettes ou encore EMICODE EC1 pour les produits de mise en œuvre des revêtements de sol (colles, ragréages…). Leur qualité varie cependant en fonction du sérieux de ceux qui les promeuvent. Certains sont auto-déclaratifs, d’autres sont contrôlés par une tierce partie et peuvent être assimilés à une certification. D’ailleurs, le marquage CE n’est pas un signe de qualité mais seulement une déclaration du fabricant de la conformité d’un produit avec les exigences fondamentales des règlements et directives européens qui permet la mise sur le marché du produit.
D’autre part, la France s’est dotée d’une réglementation qui impose un étiquetage sanitaire des produits de construction en contact avec l’air intérieur. Depuis 2013, l’emballage de chaque produit doit ainsi comporter une étiquette qui indique le niveau d’émission de polluants volatils, selon un classement, allant de A+ jusqu’à C (pour les matériaux qui émettent le plus de COV). Il est donc recommandé de privilégier les produits étiquetés A+.
Comment comparer la performance environnementale de plusieurs produits du bâtiment ?
En se basant sur les FDES et PEP qui rassemblent toutes les données environnementales et sanitaires des produits intégrés dans le bâtiment. Ces outils sont calculés selon un référentiel commun (la norme NF EN15804 pour les FDES), assurant un cadre de comparaison identique.
Cependant, quelques précautions doivent être prises pour disposer de comparaisons pertinentes : confronter des produits ayant la même fonction, le même usage et les mêmes performances techniques, définir une unité fonctionnelle (incluant une durée de vie et au moins une performance essentielle), vérifier que les déclarations environnementales des produits comparés portent bien sur les mêmes périmètres (incluant ou non les emballages et produits complémentaires), ne pas limiter la comparaison au profil environnemental et prendre en compte les critères de performances techniques non comprises dans l’unité fonctionnelle si ces dernières divergent fortement.
Attention toutefois, le produit va être mis en œuvre dans un bâtiment. L’erreur serait donc d’évaluer un produit selon une seule caractéristique, sans réflexion globale à l’échelle du bâtiment. C’est surtout ce dernier, finalement, qui doit limiter son impact sur l’environnement, être économe en énergie, durable, offrir à ses habitants un environnement sain et confortable, et cela en respectant l’enveloppe financière fixée au départ.
Existe-t-il d’autres critères pour choisir des matériaux qui limitent l’empreinte carbone des bâtiments ?
Afin de contribuer efficacement à la lutte contre le réchauffement climatique, le bâtiment doit engager des efforts rapides de réduction de ses émissions de GES, en réfléchissant à une nouvelle manière de produire et de consommer les ressources. L’économie circulaire est une réponse, en travaillant et en anticipant notamment la fin de vie des produits : leur démontabilité, leur potentiel de réemploi/réutilisation, leur recyclabilité…
Enfin, pour viser la neutralité carbone, le levier principal reste la massification de la rénovation du parc immobilier français où le bâtiment existant doit maintenant être considéré comme une banque de matériaux, à réutiliser in situ ou ex situ.
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