Économie circulaire : mettre en place une démarche dans le secteur du bâtiment

Optimisation de l’utilisation des ressources naturelles, traitement des nombreux déchets produits ou encore réduction des émissions de gaz à effet de serre… l’économie circulaire représente une réponse aux défis environnementaux. En quoi le secteur du bâtiment est-il concerné ? Comment la démarche s’intègre-t-elle dans les projets de construction et de rénovation ?

Lucile BERLIAT CAMARA, Responsable activité environnement & santé au sein de la Direction des Études et Recherche, nous explique.

Qu’est-ce que l’économie circulaire ?

Ce concept est apparu à la suite d’une prise de conscience collective : le traditionnel modèle économique « extraire, fabriquer, consommer, jeter » n’est plus soutenable. Les ressources ne sont pas infinies et il devient urgent de les préserver. L’économie circulaire représente ainsi une réponse aux défis environnementaux qui se sont intensifiés depuis une vingtaine d’années.

L’objectif de cette démarche est donc de produire des biens et des services durables, en préservant les matières premières, l’eau, l’énergie et en limitant la production des déchets et le gaspillage. Pour les Nations Unies, l’économie circulaire se définit comme « un système de production, d’échanges et de partage permettant le progrès social, la préservation du capital naturel et le développement économique ».

Ce nouveau modèle de production et de consommation se veut porteur d’activités et de nouveaux emplois durables et non délocalisables au sein des territoires.

Que dit la réglementation sur l’économie circulaire ?

Le concept a officiellement fait son entrée dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV) en août 2015. Cette loi a donné une définition à l’économie circulaire (code de l’environnement, article L.110-1-1) :

La transition vers une économie circulaire vise à dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires ainsi que, par ordre de priorité, à la prévention de la production de déchets, notamment par le réemploi des produits, et, suivant la hiérarchie des modes de traitement des déchets, à une réutilisation, à un recyclage ou, à défaut, à une valorisation des déchets.

Cette loi TECV a défini des objectifs précis, comme en ce qui concerne les déchets :

  • réduire de 10 % les quantités de déchets ménagers en 2020 ;
  • passer à 65 % le taux de recyclage (contre 56 % en 2012) ;
  • diminuer de 50 % la mise en décharge en 2025 (- 30 % en 2020).

Et la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire ?

Cette loi, plus récente, a été promulguée le 10 février 2020 et vise à accélérer le changement de modèle de production et de consommation pour limiter les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat.

La loi AGEC se décline en 5 grands axes :

  • la disparition des objets en plastique jetables ;
  • l’information des consommateurs ;
  • la lutte contre le gaspillage et l’encouragement du réemploi solidaire ;
  • la lutte contre l’obsolescence programmée ;
  • une production plus respectueuse de l’environnement.

Concernant plus spécifiquement le secteur du bâtiment, une nouvelle filière responsabilité élargie des producteurs (REP) portant sur les produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment est en vigueur depuis le 1er janvier 2022 mais toujours dans l’attente des premiers éco-organismes agréés (décret n° 2021-1941 du 31 décembre 2021). De nouveaux centres de retraitement vont se mettre en place au cours de l’année 2022 pour lutter contre le dépôt sauvage avec obligation pour ces derniers de reprendre gratuitement les déchets triés issus des professionnels du bâtiment. Cela implique de développer davantage ce réseau pour en augmenter les capacités et assurer un maillage complet du territoire, mais aussi d’accompagner les différents acteurs de la filière dans l’amélioration de leurs pratiques de tri et de dépose sélective.

La loi prévoit également d’augmenter la part de matériaux issus du réemploi dans les projets de construction et de rénovation.

En quoi le secteur du bâtiment est concerné ?

Le bâtiment est l’un des secteurs les plus concernés par les enjeux du développement durable. En effet, il représente des impacts importants sur l’environnement, en termes de consommations de ressources, d’émissions de gaz à effet de serre ou encore de production de déchets.

Le secteur du bâtiment, et en particulier du logement, a donc un rôle déterminant à jouer, en agissant sur sa consommation d’énergie et de matières premières, ou encore sur ses déchets générés. L’économie circulaire représente alors un véritable levier du développement durable pour ce secteur, tout comme les sujets de qualité de vie, de confort, ou encore la biodiversité qui permettent de viser des bâtiments durables.

Quelles peuvent être les actions concrètes ?

Les démarches de déconstruction sélective et de démontabilité (démonter sans endommager, ce qui autorise la réutilisation) permettent par exemple de mieux séparer les matières constitutives des déchets et d’optimiser leur recyclage.

L’alliance HQE – GBC a défini plusieurs leviers pour mettre en œuvre ce concept. Un premier axe consiste à optimiser les flux au sein des territoires afin de mettre en place des synergies entre acteurs. Dans le bâtiment, le réemploi des matériaux d’un projet à un autre en est un bel exemple. Des plateformes d’échanges de produits et équipements commencent ainsi à voir le jour.

La prévention, la gestion et la réduction des déchets sont au cœur de la réflexion. Mais il s’avère que l’économie circulaire ne se limite pas au simple recyclage des déchets. Son ambition est même de faire disparaître cette notion de déchets pour la transformer en ressources et s’intéresser à leurs usages.

Plusieurs autres aspects sont essentiels :

Les logiques d’approvisionnement durable et d’achats responsables doivent devenir un réflexe dans la sélection des produits afin de limiter les impacts sur l’environnement : fournisseurs impliqués dans un dispositif d’engagement sociétal, produits à base de bois issu de forêts gérées durablement…

La sobriété est un autre pilier essentiel dans cette démarche. Elle se base sur une optimisation des besoins, une conception durable et une économie de la fonctionnalité (privilégier l’usage plutôt que la possession). La mutualisation des espaces (places de parkings, locaux…) est un exemple d’optimisation de l’accès aux ressources et de rentabilité.

L’allongement de la durée de vie des produits et des bâtiments permettra de lutter contre l’obsolescence en jouant sur l’évolutivité des bâtiments. Les constructions modulables, évolutives, permettront d’anticiper et d’intensifier les usages. Cette notion de pérennité trouve tout son sens dans une approche en coût global, où l’économie d’un projet de construction s’intéresse, au-delà du simple investissement, à l’exploitation, à la maintenance et à la déconstruction du bâtiment.

À quelle échelle est-il intéressant de mettre en place une démarche d’économie circulaire ? Un bâtiment, un quartier, un territoire ?

C’est une démarche qui porte clairement l’ambition de relocaliser les activités, d’optimiser l’utilisation de ressources locales, de créer des emplois non délocalisables et donc de renforcer l’attractivité des territoires. Des réseaux de l’économie circulaire se mettent en place en région sur des thématiques plus ou moins spécifiques : économie de la fonctionnalité, prévention et valorisation des déchets. Chaque territoire, avec des caractéristiques qui lui sont propres, réfléchit à la mise en place d’un nouveau mode d’organisation collaborative et plus sociale.

Les acteurs sont-ils prêts, formés, mobilisés ? Est-ce qu’il y a des acteurs moteurs sur le sujet ?

L’économie circulaire représente un ensemble de défis à relever pour viser des bénéfices environnementaux, sociétaux et économiques, et nécessite la mobilisation de tous les acteurs : Etat, collectivités, entreprises, et jusqu’aux occupants de logements. Les régions doivent être à l’initiative pour que la démarche se déploie. Leur connaissance des enjeux de ressources au niveau du territoire et leur relation privilégiée avec les collectivités permettent de faciliter et d’harmoniser les projets locaux.

L’Ademe est un acteur incontournable de la transition vers une économie circulaire, en publiant des guides et dossiers pour accompagner les régions. Aujourd’hui toutefois, de nombreux acteurs se sont emparés du sujet, reconnaissant dans ce concept une réponse face aux grands enjeux du changement climatique.

Quels sont les freins et difficultés rencontrés pour la mise en place d’une telle démarche ?

Si l’on prend l’exemple du réemploi dans le secteur de la construction, la principale difficulté est de pouvoir rassurer les acteurs de la construction sur la qualité technique des produits réemployés, et en premier lieu les assureurs. Cela nécessite d’encadrer les pratiques afin de catégoriser les solutions de réemploi, identifier des gisements et finalement créer des synergies entre acteurs. Ces catégories de produits réemployés devront faire l’objet de cahier des charges afin de requalifier leurs performances et le maintien de leur qualité dans le temps.

Comment encourager les professionnels à se lancer dans cette démarche ?

Il est évident que la réglementation complétée par des incitations financières est un moyen imparable pour accélérer la transition.

Les démarches volontaires sont aussi un bon lever d’anticipation, comme par exemple la certification. Celle-ci permet de donner un cadre aux maîtres d’ouvrages qui souhaitent valoriser leurs actions dans ce domaine. NF Habitat – NF Habitat HQE, délivrée par CERQUAL Qualitel Certification, comprend par exemple un profil économie circulaire. Créé en 2018, c’est la première certification dans le secteur du bâtiment à traiter ce sujet.

Quel rôle peut jouer la certification ?

C’est une démarche multicritère visant à construire des bâtiments durables, c’est-à-dire performants sur les 3 axes du développement durable : social, économique et environnemental. Avec NF Habitat, l’ambition de CERQUAL est de pouvoir évaluer la contribution d’un bâtiment à l’économie circulaire à travers des indicateurs. En effet, pour mesurer la performance d’un bâtiment, nous avons besoin de viser des exigences non plus de moyens mais de résultats.

Comment définir ces indicateurs d’économie circulaire ?

L’étendue du sujet nous a conduit à nous intéresser, dans un premier temps, aux déchets, à leur valorisation à travers le réemploi, le recyclage et au recours à des ressources locales. Ainsi nous avons découvert le MFA, méthode d’analyse des flux de matières constitutives d’un bâtiment qui permet de dégager des indicateurs de « circularité » et de localité. Nous avons mis en place une méthode standardisée pour toutes les typologies de bâtiment, en construction comme en rénovation, qui permet de calculer ces indicateurs, en partenariat avec EVEA.

Cette méthode a fait l’objet d’une expérimentation auprès de tous les maîtres d’ouvrage volontaires lors d’un test « HQE Performance Économie circulaire » lancé par l’Alliance HQE – GBC en mars 2019. L‘objectif était de proposer aux acteurs un cadre pour se lancer dans la démarche et d’évaluer la contribution de leurs actions en faveur de l’économie circulaire. Ces travaux devraient déboucher sur un outil de calcul d’indicateurs de circularité d’un ouvrage en 2023.

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