Bâtiment connecté : quelles sont les attentes des habitants et où en est le secteur ?

Bâtiment connecté, logement connecté, domotique… où en est-on dans les logements en France ? Quels bénéfices peut-on attendre de ces évolutions et quelles attentes ou craintes ont les français ?

Rodolphe BARRAULT, en charge de la rubrique « bâtiment connecté » du référentiel NF Habitat, répond à nos questions.

On entend parler de bâtiment connecté, mais qu’est-ce que c’est exactement ?

En termes de « connectivité », il ne faut pas confondre équipement connecté, logement connecté et bâtiment connecté. Un équipement connecté, c’est un élément qui peut interagir avec d’autres équipements ou être piloté par un utilisateur, offrant ainsi des fonctionnalités qui vont au-delà de l’équipement seul. Un logement connecté, c’est un logement qui permet des interactions et un pilotage par ses occupants, dans le but de lui faciliter les gestes du quotidien mais aussi d’analyser des données de consommation par exemple. Un bâtiment connecté, c’est donc un bâtiment « intelligent », qui permet le pilotage de certains systèmes, une meilleure circulation des informations et une gestion améliorée de la résidence.

Un logement ou un bâtiment connecté, c’est utile pour qui ?

Les équipements connectés représentent des bénéfices à la fois pour les occupants des logements mais aussi pour des tiers extérieurs comme le syndic de gestion de la copropriété ou la collectivité. Globalement, les systèmes connectés contribueront à réduire l’impact environnemental du bâtiment, au travers d’une meilleure maîtrise des consommations de ressources, d’une gestion optimisée de la résidence et des opérations d’entretien et de maintenance des équipements…

Quels sont les principaux bénéfices pour les habitants ?

Un logement équipé de différents systèmes, comme la domotique par exemple, permettra à son occupant de mieux accéder à l’information et répondra à divers besoins  : maîtriser les consommations d’énergie, assurer la sécurité, favoriser le maintien à domicile pour des personnes âgées ou en situation de handicap ou encore automatiser certains services comme la gestion du chauffage, de la lumière, des volets ou du son dans le logement…

Et pour un syndic de copropriété ?

Pour le syndic ou la collectivité, le bâtiment connecté représente un outil précieux pour assurer une bonne gestion de la résidence ou d’un ensemble de bâtiments. Le bâtiment connecté facilite ainsi la diffusion des informations aux occupants, les opérations de maintenance, les remontées de données de consommation…

En quoi ce bâtiment connecté permettrait d’améliorer la qualité des logements au quotidien ?

L’un des principaux avantages concerne l’accès plus simple et instantané aux informations. Les occupants peuvent en effet être informés de façon beaucoup plus efficace et rapide sur la vie de leur immeuble, le bon usage des équipements, et même bénéficier de conseils pour réduire leurs consommations en énergie et en eau par exemple…

Un autre élément clé concerne la possibilité de «  piloter  » ou «  communiquer  » avec son logement à distance, de pouvoir contrôler certains appareils, et surtout de mieux sécuriser son logement. En cas d’intrusion, de fuite d’eau, de fenêtre ou de volet non fermé, de température de chauffage non adaptée…. Un logement connecté va pouvoir indiquer à son propriétaire s’il détecte une anomalie et lui permettre de la corriger à distance.

Et d’un point de vue plus global ?

Au-delà de l’information et du pilotage, le bâtiment connecté permet la remontée de données, qui est essentielle pour un syndic de copropriété par exemple. Ainsi, les informations sur les consommations et sur des incidents, fuites ou pannes, lui sont très utiles pour informer les occupants en temps réel, anticiper les interventions de professionnels pour l’entretien ou la réparation, ou encore pour proposer de nouveaux services, dans le but d’améliorer la qualité de vie des occupants au quotidien.

Enfin, lorsque certaines adaptations du logement sont nécessaires, la connectivité apporte de nombreuses potentialités et facilite le maintien à domicile de personnes âgées ou en situation de handicap  : gestion automatisée ou contrôle vocal de certains services, information en cas de chute…

Actuellement, où en est-on dans les logements en France  ?

Selon les résultats de la 2ème édition du Baromètre QUALITEL, le logement connecté, certes en progression, reste encore minoritaire et va devoir relever certains défis pour s’imposer dans les logements français. Seuls 3 logements sur 10 possèdent au moins un équipement connecté. 54  % des logements récents (moins de 5 ans) comptent au moins un service connecté, et 30  % en comptent même deux ou plus.

Y a-t-il une attente particulière des Français ?

Selon le Baromètre QUALITEL, il existe bien une attente des Français vis-à-vis du logement connecté, sur deux aspects principalement  : les équipements liés à la sécurité (systèmes anti-intrusion, télésurveillance…) et le maintien à domicile des personnes âgées et/ou en situation de handicap. On constate que les Français considèrent aujourd’hui le logement connecté comme une réponse à des problématiques essentielles, notamment la protection du logement et des personnes, et non à des besoins jugés «  superficiels  ». Certains Français ont ainsi du mal à percevoir l’utilité de certains objets connectés.

Cependant, les évolutions en la matière sont très rapides, les modes de vie changent et de nouvelles technologies et services apparaissent régulièrement. On peut donc imaginer que le gadget d’aujourd’hui sera devenu un équipement de base des logements de demain.

Y a-t-il des freins ou peurs liés au logement connecté ?

Le premier obstacle au développement du logement connecté est son coût. En effet, développer des innovations et de nouvelles technologies représente un investissement parfois conséquent, les équipements connectés peuvent donc avoir un impact important sur le budget des ménages. 75  % des Français ayant répondu à l’enquête du Baromètre QUALITEL considèrent que «  des prix trop élevés les dissuaderaient d’équiper leur logement en objets connectés  ». De plus, le marché actuel présente une offre très diversifiée d’équipements souvent peu compatibles entre eux. Il faut donc parfois acheter des boîtiers annexes, des « intermédiaires » permettant de faire fonctionner un appareil connecté avec un autre.

Au-delà du coût, un autre frein vient aussi du fait que la technologie évolue très/trop rapidement et que beaucoup de particuliers hésitent à investir dans une solution qui risque d’être dépassée dans les mois ou les années à venir.

Des actions sont-elles mises en place pour la protection des données personnelles ?

En effet, comme l’indique l’édition 2018 du Baromètre QUALITEL, 3/4 des personnes interrogées disent avoir peur que « des entreprises récupèrent (leurs) informations personnelles pour un usage commercial ». Et un Français sur deux n’est pas prêt à partager des informations relatives à ses habitudes (chauffage, heures de présence) pour réduire sa consommation énergétique et sa facture. Le règlement général sur la protection des données (RGPD), applicable depuis le 25 mai 2018, apporte des réponses sur cette question mais la mise en place concrète de cette protection peut se révéler encore complexe pour le consommateur.

Comment lever les freins ?

Pour que le logement connecté se développe véritablement, il faut agir sur plusieurs leviers  :

Rassurer les particuliers quant à l’utilisation des données. Il est essentiel de sensibiliser chaque utilisateur d’objet connecté sur le règlement général sur la protection des données (RGPD) et d’expliquer les actions concrètes à mettre en œuvre pour protéger ses données personnelles.

Favoriser l’interopérabilité entre les objets connectés et leur pérennité. En procédant ainsi, on permettra au particulier de s’équiper de systèmes connectés compatibles les uns avec les autres, peu importe la marque. Pour aller plus loin, les équipements doivent être pérennes et proposer des usages évolutifs.

Encourager l’accessibilité des systèmes au plus grand nombre en limitant leur coût. Pour cet aspect, le rôle des différents acteurs, professionnels, industriels, est déterminant pour proposer des objets accessibles et viser une massification des logements connectés.

Pour répondre à tous ces objectifs, une information claire et accessible à tous est essentielle, pour guider les particuliers dans la compréhension des enjeux, des caractéristiques et des avantages de chaque objet, dans la connaissance des équipements et les accompagner dans leurs différentes démarches.

Que prévoit la réglementation en la matière ?

La réglementation actuelle prévoit des exigences en ce qui concerne les infrastructures, les réseaux… mais ne porte pas sur les usages. Ainsi, pour les dépôts de permis depuis le 1er avril 2012 en immeuble collectif et depuis le 1er octobre 2016 pour les maisons individuelles, la réglementation impose au maître d’ouvrage d’installer la fibre optique de la rue jusqu’au tableau de communication dans chaque logement sur le neuf et pour des opérations de rénovation importante.

Le RGPD quant à lui, applicable depuis le 25 mai 2018, est un règlement européen renforçant les règles sur la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractères personnel.

Par ailleurs, le gouvernement a mis en place un plan d’aide à la formation, le plan «  Engagement de développement de l’emploi et des compétences (plan Edec). Une filière s’organise donc autour de la formation et de la création de nouveaux métiers lié au développement du numérique.

Face à ces évolutions technologiques qui évoluent rapidement, où en sont les acteurs du secteur  ?

Le secteur du bâtiment a montré sa volonté de s’engager dans cette évolution importante. Certains maîtres d‘ouvrage ont démontré leur intérêt pour ce sujet en installant des équipements connectés dans les logements qu’ils construisent. Ces premiers logements équipés serviront à obtenir de précieux retours d’expérience, avant de massifier l’équipement des logements construits. A ce jour, la réglementation ne couvre pas encore tous les aspects soulevés par la connectivité des logements et les professionnels doivent renforcer leur appropriation et leur formation sur ces réseaux et nouvelles technologies.

En décembre 2017, une charte « bâtiment connecté » a été présentée lors du Salon de l’immobilier d’entreprise ? Où en est-on 1 an après  ?

La « charte d’engagement volontaire du bâtiment connecté » a été mise en place depuis le 7 décembre 2017 par le ministère de la Cohésion des Territoires. Signée par 130 professionnels de la construction, promoteurs, bailleurs, organismes certificateurs… elle vise à recueillir les retours d’expérience sur la mise en œuvre opérationnelle d’équipements connectés, de réseaux… QUALITEL est signataire de cette charte et participe à son suivi. Cette démarche a pour objectif de partager les bonnes pratiques et de contribuer aux évolutions réglementaires et d’anticiper les futurs usages qui pourront être proposés dans les logements.

Lors de l’édition 2018 du SIMI, les résultats d’une enquête menée un an après la signature de cette charte ont été présentés. Les premiers retours d’expérience sont positifs et permettent d’identifier les freins à lever pour que ce sujet émergent se développe largement auprès de l’ensemble des acteurs.

Quel rôle joue la certification  ?

La «  charte d’engagement volontaire du bâtiment connecté  » représente un cadre de référence commun à l’ensemble des acteurs. Elle présente 6 thèmes essentiels à la mise en œuvre d’un bâtiment connecté  : architecture réseau, connectivité, équipements et interfaces, management responsable, sécurité numérique, services.

Depuis février 2018, CERQUAL Qualitel Certification a intégré dans son référentiel NF Habitat – NF Habitat HQE une rubrique bâtiment connecté avec des exigences répondant aux différentes thématiques de la charte, notamment la connectivité, l’architecture réseau, les équipements, le service.

Dans un contexte qui évolue rapidement, la certification permet le suivi de l’ensemble des thèmes garantissant au final un bâtiment connecté et opérationnel. Cela passe par exemple par des contrôles sur les entreprises installatrices de la connectivité, la vérification que le Haut Débit arrive bien dans chacun des logements, par l’obligation pour les maîtres d’ouvrage d’appliquer le RGPD, par une interopérabilité entre les équipements…

En lien avec le Plan Transition Numérique du Bâtiment (PTNB), de nombreuses questions se posent sur les impacts de cette évolution  : sur la gestion des villes et notamment les conséquences en termes de transformation de l’urbanisme engendrés par la transition numérique, sur la formation des professionnels et l’apparition de nouveaux métiers… Dans ce contexte, QUALITEL participe à des groupes de travail et de réflexion avec d’autres acteurs du secteur du bâtiment  : Alliance HQE, Certivea, SBA, Ignes, Objectif Fibre… afin de contribuer au cadrage et au développement du bâtiment connecté en France.

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