Dominique Estrosi Sassone, Sénatrice des Alpes-Maritimes : « Ne pas comprendre et respecter l’aspiration à la propriété des Français serait une grave erreur »

Dominique Estrosi Sassone est Sénatrice des Alpes-Maritimes, Présidente de la commission des affaires économiques et particulièrement investie sur les sujets liés au logement. Alors que les besoins n’ont jamais été aussi prégnants, elle revient pour QUALITEL sur sa vision du secteur, ses enjeux, ou encore les attentes des maires en matière de qualité de l’habitat.

Dans le cadre de la commission des affaires économiques du Sénat que vous présidez, vous êtes particulièrement investie sur la thématique du logement. Quelles sont les grandes lignes du rapport parlementaire sur la crise de l’immobilier que vous avez co-signé en avril dernier ?

Notre objectif était tout d’abord de comprendre, d’effectuer une radiographie de la crise car à trop se focaliser sur les derniers chiffres, on devient myope. Au contraire, nous avons voulu avoir un diagnostic sur moyen et long termes. A moyen terme, depuis sept ans, la responsabilité des gouvernements successifs est très importante avec beaucoup de mesures prises dans une période de taux bas qui n’ont pas du tout été actualisées avec le renversement de la conjoncture, voire aggravées ensuite. Mais on s’aperçoit que la crise a des racines de long terme comme l’inflation des prix immobiliers sur 25 ans, la dégradation de la rentabilité de l’investissement locatif sur 40 ans et le changement de regard sur l’acte de construire qui n’est plus synonyme de progrès, mais est, pour certains, la destruction d’espaces naturels…

Nous avons aussi voulu insister sur les conséquences politiques et sociétales de la crise car le blocage du parcours résidentiel, c’est aussi le blocage de l’ascenseur social, des parcours de vie entravés, énormément de frustration et un profond sentiment d’injustice.

Une fois le diagnostic posé, nous avons voulu proposer des solutions sur court, moyen et long termes. Sur le court terme, il s’agit évidemment de mesures de relance. Nous avons été entendus par le Gouvernement de Michel Barnier qui a décidé de favoriser l’accession à la propriété et d’alléger la pression sur les bailleurs sociaux en baissant la RLS. Sur le moyen terme, il s’agit de favoriser l’offre de logement (simplification, accès au foncier, intérêt à agir des maires). Enfin, sur le long terme, c’est bien à une refondation qu’il faut nous atteler avec l’idée d’un livre blanc sur le besoin de logement, sur les outils d’un logement pour tous et sur le statut du bailleur privé. Pour nous, ce travail devrait aboutir à une loi de programmation.

Le secteur du logement traverse une crise sans précédent, marquée notamment par une chute des chiffres de la construction et le manque criant de logements locatifs sur le marché. Quelles sont les mesures d’urgence que le nouveau Gouvernement devrait prendre pour y remédier ?

La première chose était d’arrêter les mesures qui aggravaient la crise du logement comme le resserrement du PTZ, l’absence de soutien à l’investissement locatif, la pression financière sur les bailleurs sociaux, les chocs réglementaires… et de prendre conscience de la gravité de la crise et de son impact politique. C’est ce qu’a fait le premier ministre dans sa déclaration de politique générale en rappelant que le logement était non seulement la première dépense des Français, mais aussi leur première préoccupation devant tout le reste. Le Conseil économique, social et environnemental vient de le confirmer dans son rapport sur l’état de la France et fait le lien, comme le Sénat, entre la crise du logement et la crise démocratique. Mais surtout, c’est ce que font Michel Barnier et Valérie Létard dans leurs actes en agissant concrètement pour l’accession à la propriété, pour relancer la construction, pour alléger la pression sur les bailleurs sociaux et pour stabiliser la réglementation sur la rénovation énergétique des logements. Ce sont des mesures qui vont dans le bon sens et qui marquent un changement de cap plus que bienvenu.

En tant que sénatrice, vous êtes en lien permanent avec les maires de votre territoire. Quelles sont leurs principales attentes en matière de logement ? Sont-ils « armés » pour répondre aux attentes de leurs administrés ?

Les maires souffrent actuellement d’injonctions contradictoires entre l’objectif ZAN, l’objectif SRU, les demandes de logements de leurs habitants, les recours de ceux qui n’en veulent pas et la pression des résidences secondaires essentielles à l’économie touristique dans notre département. Franchement, il est bien difficile de s’y retrouver d’autant que les règles ont changé trop vite ces dernières années.

Fondamentalement, le souhait des maires est de loger leur population et de garantir la qualité du cadre de vie. A cet égard, rappelons qu’en raison de différents phénomènes démographiques, pour maintenir égale une population, il faut construire de nouveaux logements. Assurer la qualité du vivre ensemble, c’est aussi permettre aux travailleurs essentiels (assistantes maternelles, à la personne, enseignants, commerçants, employés des services publics…) de se loger à proximité de leur travail. Les maires en sont parfaitement conscients et je crois qu’on devrait beaucoup plus leur faire confiance.

Les attentes des Français en matière d’habitat ont-elles selon vous évolué ces dernières années ?

Oui, bien entendu, la crise sanitaire est passée par là. En ville, un logement avec un extérieur est beaucoup plus valorisé qu’avant. On ne conçoit plus un programme neuf sans le prévoir et c’est au cœur de toutes les rénovations HLM d’envergure.

Mais les transformations ne s’arrêtent pas là. Sans être exhaustive, on peut citer le double mouvement de réduction de la taille des ménages et en même temps les besoins d’espaces des parents séparés. Il y a aussi une demande croissante pour des habitats partagés voire communautaires de la colocation étudiante au béguinage pour nos anciens. Il s’agit là de mouvements sociétaux de long terme.

Ce qui ne change pas en revanche, c’est l’aspiration profonde à la propriété et même à l’acquisition d’une maison avec jardin qui est vraiment le symbole d’une forme de réussite et de sécurité pour soi et ses proches. C’est un rêve français et ne pas le comprendre et le respecter serait une grave erreur.

Ils aspirent notamment à se loger dans des logements durable, confortables et sains, mais aussi économes en énergie. Quels sont selon vous les principaux leviers pour répondre à ces attentes ? La certification de ces logements est-elle selon vous une bonne garantie, notamment dans le cadre de la rénovation ?

Vous avez raison, l’enjeu de la rénovation est de plus en plus sensible. Je me souviens qu’au plus fort de la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine, certains ont été obligés d’arrêter de se chauffer. C’est une question de pouvoir d’achat et de qualité de vie. Mais ce n’est pas que cela, chacun est, je crois, soucieux de diminuer son empreinte sur l’environnement et de léguer une terre habitable à ses enfants.

Nous avons beaucoup progressé en la matière notamment grâce à l’action de l’Association QUALITEL dont je salue le travail depuis 50 ans. Les aides de l’Anah sont maintenant bien calibrées et favorisent les rénovations globales des ménages les plus modestes.

Pour cela, il faut s’appuyer sur le DPE qui permet un premier diagnostic. L’outil est sans doute encore perfectible, mais il existe. Ensuite, les ménages peuvent faire appel à un accompagnement certifié leur permettant de faire un audit, de définir des travaux et de trouver des aides. La filière est en train de se structurer. Tout ne se fait pas en un jour, mais nous sommes dans la bonne direction. Ici, les solutions sont vraiment locales pour créer un réseau de confiance entre les services d’informations mis en place par les collectivités, les accompagnateurs et les artisans labellisés du territoire. Cela évitera aussi les fraudes et les effets d’aubaine.

Le Carnet d’Information du Logement a été rendu obligatoire dans la Loi Climat & Résilience. Que pensez-vous de ce dispositif, encore très largement méconnu ?

Effectivement, c’est un dispositif que le Sénat a soutenu. C’est quelque chose de tout simple : permettre à quelqu’un qui entre dans un nouveau logement d’avoir les éléments principaux de son histoire par-delà les propriétaires successifs. Cela me paraît utile et dans l’intérêt de tous notamment si vous voulez vous-même faire des travaux dans votre logement et disposer des informations nécessaires par exemple en vue d’obtenir une note juste en matière de DPE.

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