En tant que Président du Pôle Habitat de la FFB Île-de-France, pouvez-vous nous partager votre vision du secteur de la construction et ses perspectives ?
Ma vision du secteur est contrastée et force est de constater que nous faisons face à des « vents contraires » dans le domaine du bâtiment et de la construction.
Tout d’abord, les taux ont augmenté et les conditions d’octroi du crédit se sont resserrées. Ensuite, il y a une forte inquiétude liée au contexte mondial, ce qui impacte le secteur, et au-delà, l’envie de nos clients d’investir dans la pierre. Conséquence immédiate : une forte hausse des coûts. Pour illustrer mon propos, sur avril – mai, on a constaté des hausses entre 5 et 30 % en fonction des matériaux. De ce fait, nous sommes contraints nous-mêmes d’augmenter nos prix (de 6,5 à 7 %).
La situation actuelle en Chine, dont on ne parle pas suffisamment, est une autre source d’inquiétude pour les constructeurs de maisons individuelles. En effet, il faut savoir que les usines sont en partie à l’arrêt depuis le covid. Et bien sûr, plus dramatique encore, la guerre en Ukraine, où les usines ne sont pas à l’arrêt mais détruites avec l’appareil productif d’acier qui est complètement dévasté. Ces différents éléments de contexte sont donc autant de vents contraires.
Pour autant, il y a des lueurs d’espoir, et j’en vois trois. Tout d’abord, nous constatons une modification de l’organisation du travail depuis la crise covid avec l’essor du télétravail. Cela ne concerne pas tout le monde, mais nous constatons une tendance forte. Cette tendance se traduit par la recherche d’un lieu d’habitat adapté en conséquence et typiquement, la maison individuelle répond à cette attente.
Ensuite, de manière générale, il y toujours une appétence pour la maison individuelle, les Français apprécient avoir du terrain, ne pas avoir de voisins proches…, tendance qui s’est renforcée avec les différentes vagues de confinement que nous avons rencontrées.
Enfin, je formulerais un souhait plus qu’un espoir : que le prochain gouvernement porte une loi à l’image de la loi Pinel en locatif pour relancer l’accession à la propriété.
Vous êtes par ailleurs Président de Maisons Berval. En tant que constructeur de maisons individuelles, que signifie la qualité et à quel niveau se situe-t-elle ?
Pour moi, la qualité est le fil rouge de l’ensemble de l’expérience client, dès le premier contact et même pendant le processus de fabrication, ce qui est très rare.
L’exigence de qualité commence donc par le 1er contact prospect : qualité de l’accueil, échanges commerciaux, compréhension du projet client, réalisation des plans et des visuels, complétude et exactitude de l’information fournie, puis bien sûr la réalisation du bâti en lui-même, les relations avec les industriels, le choix des matériaux que l’on va référencer, le respect des normes, la construction, la livraison, jusqu’à la garantie décennale !
Différents choix stratégiques se sont imposés afin que nous puissions continuer à nous inscrire dans cette démarche qualité :
- J’ai nommé un « responsable qualité », ce qui est assez rare au sein d’une société de construction de maisons. Il audite nos chantiers et fait un rapport au responsable travaux qui ajuste les procédures.
- Afin de respecter l’enveloppe constructive tout en nous inscrivant pleinement dans le respect de la nouvelle réglementation environnementale (RE2020), nous avons choisi d’avoir une enveloppe constructive qui soit en fourchette haute, pour éviter sans cesse les réajustements.
- Concernant les matériaux, nous sommes très attentifs à leur qualité et origine : nous travaillons beaucoup avec des artisans « fourni, posé », qui achètent et posent eux-mêmes et qui ont pour cela de la trésorerie, gage de la solidité de leur entreprise.
C’est dire si la recherche de qualité guide notre action ! En ce sens, j’ai fait le choix d’inscrire les Maisons Berval dans une démarche globale de certification NF Habitat HQE mais également Pro Perméa avec CERQUAL. Cela représente pour nous autant la garantie offerte à nos clients d’un logement de qualité, qu’un guide qui nous accompagne et encadre nos procédures. De manière plus indirecte, mais tout aussi importante à mes yeux, la qualité c’est être attentif aux détails qui ne se voient pas.
Cette recherche de qualité est-elle plus difficile à atteindre pour un constructeur (en prise avec le particulier) que pour un acteur qui est son propre maître d’ouvrage ?
En tant que constructeur, deux éléments différenciants contribuent à rendre plus difficile l’atteinte de nos ambitions qualité, par rapport à un promoteur.
Tout d’abord, la maison individuelle est le seul produit qui est livré à un client sans qu’il paye l’intégralité du prix en raison de la règle des 5 % liée à la levée des réserves (ce qui par ailleurs a un impact direct sur la marge du constructeur).
Ensuite, contrairement à la promotion immobilière, le client pour la maison individuelle est lui-même maître d’ouvrage. Nous sommes donc en relation constante, voire quotidienne avec lui car il est très exigeant, exigence qui s’est renforcée depuis la crise covid. L’approche est radicalement différente pour le promoteur immobilier, qui est son propre maître d’ouvrage, et qui de fait, n’est pas tenu à une relation aussi prégnante avec son client final.
Dans le contexte actuel (remontée des taux, hausse des prix et pénurie de certains matériaux, tensions sur la sous-traitance), comment allez-vous maintenir votre exigence de qualité ?
Je suis moins sur une approche de conquête de parts de marché, que de maintien de la marge de l’entreprise.
La qualité est là mais elle a un prix et je ne transige pas là-dessus. Je préfère construire moins de maisons mais de bonne qualité. Nous travaillons dans le haut de gamme, nous faisons donc le choix de préserver le positionnement de l’entreprise qui porte une marque de prestige depuis plus de 90 ans. La qualité plus que la quantité !
Quel regard portez-vous sur le ZAN (Zéro Artificialisation Nette) ? Ne sommes-nous pas à l’aube de nouvelles formes d’habitat ?
À travers ces objectifs, aussi vertueux soient-ils, j’ai souvent l’impression que l’on décide d’imposer un modèle d’habitat unique, plutôt collectif et urbain. Or il n’y a pas un marché immobilier, mais des marchés immobiliers, qui peuvent être très différents à l’échelle d’une même ville ou d’un même département.
L’habitat en France est cosmopolite, divers et il faut qu’il le reste. L’offre doit pouvoir répondre aux attentes de ceux qui souhaitent vivre dans l’ancien, le neuf, louer ou bien acheter, vivre en secteur urbain, péri-urbain, en pleine campagne, ou encore habiter une maison ou un appartement. Arrêtons de décider pour les gens, ils doivent pouvoir choisir !
Je comprends bien sûr l’enjeu écologique et la nécessité de ne pas consommer davantage de terres notamment agricoles. Mais si l’on ne construit pas, nous devrons rénover l’existant. Or, cela ne correspond pas forcément aux besoins et aux envies des gens, tout le monde ne veut pas obligatoirement habiter dans de l’ancien rénové en plein centre-ville. Il faut trouver un juste équilibre, arrêter de présenter le marché de manière binaire et éviter l’uniformisation du produit immobilier.