Dessine-moi un logement par Édouard François

Quel est le point commun entre les opérations emblématiques Nice Le Ray, Panache à Grenoble et L’Immeuble qui pousse à Montpellier ? Toutes ont été imaginées par Édouard François. Ce dernier nous dévoile sa vision idéale du logement dans le cadre d’une série éditoriale donnant la parole aux architectes sur le sujet. Interview.

Comment définiriez-vous le logement idéal ?

©IDEAT

Le logement idéal ne serait pas formaté, il s’adapterait facilement en tenant compte de son environnement et en sortant des clichés autour du T1, T2, T3… Souvent, les architectes dessinent les logements comme s’ils leur étaient destinés. Mais nous nous sommes rendu compte que les usages ne sont pas les mêmes pour tous. Ces dernières années, nous avons poussé la réflexion sur le sujet au-delà des cloisons et des réseaux modulables. Par exemple, la façade doit pouvoir évoluer car le logement de demain ne sera ni figé à l’intérieur, ni à l’extérieur.

 

Opération Nice Le Ray, réalisée par Vinci Immobilier et certifiée NF Habitat HQE (©WeAreContents – Maison Édouard François – Photographe Patrick Berlain)

Nous avons récemment mené deux expérimentations à ce sujet. Dans le cadre de l’opération Nice Le Ray, nous avons offert la possibilité aux acquéreurs d’aménager une pièce supplémentaire en démultipliant les surfaces extérieures et en leur permettant, dans le cadre du cahier des charges, de pouvoir fermer une partie de ces espaces. Nous avions imaginé des jardins d’hiver quand nous avons proposé cette innovation dans le cadre du concours. Plusieurs acquéreurs en ont d’ores et déjà fait des espaces de travail.
À Asnières, 15 m2 pourront être fermés sur des espaces extérieurs dont la taille oscillera entre 30 et 50 m2 dans un autre de nos projets.
Le bien-être de chacun passera demain par des espaces supplémentaires offerts aux acquéreurs pour rééquilibrer l’équation économique qui est devenue délirante dans les villes denses.

Les espaces extérieurs sont prédominants dans toute notre approche du logement

— Édouard François

Comment serait-il aménagé ?

Le logement se décloisonne pour pouvoir se recloisonner au gré des envies. À Toulouse, nous avons expérimenté la façade variable. Concrètement, nous avons laissé la possibilité aux acquéreurs de choisir sur les plans de vente où ils souhaitaient installer leurs ouvertures. À l’image de l’industrie automobile, nous proposons un produit avec un prix de base inférieur au marché et des options qui permettent d’aller plus loin en personnalisant son logement. Nous fabriquons de l’envie.

Nous avons adopté la même approche pour les matériaux de la façade. Après avoir mené une étude pour identifier les matériaux locaux disponibles et harmonieux avec les constructions voisines, nous avons constitué une palette que nous soumettons aux futurs acquéreurs. Pour rendre ces offres compatibles avec la réglementation, nous avons rédigé tout un paragraphe décrivant notre processus dans le permis de construire initial avant d’en déposer un autre modificatif à la fin de la commercialisation. Le chantier est en cours mais la ville nous a déjà demandé nos plans pour s’en servir de modèle dans d’autres quartiers. C’est la preuve que, si nous nous battons pour innover main dans la main avec nos clients maîtres d’ouvrage, nous pouvons y arriver.

Idem avec les associations de quartier et les riverains de nos projets. Quand le permis de construire de l’opération Nice Le Ray a été attaqué, nous avons organisé une réunion de concertation au cours de laquelle nous avons exposé les invariants et les points qui pouvaient évoluer. Résultat : les espaces d’agriculture urbaine qui étaient prévus sur les toitures sont désormais gérés par l’association qui s’opposait au projet car le parc attenant n’en avait pas prévu.

En fonction des âges et des besoins, les usagers souhaiteraient faire évoluer leur logement. Comment y parvenir ?

Outre le logement agrandissable, nous avons développé le logement augmenté. Ce concept part du principe qu’il ne peut pas y avoir de mauvais logement, nous devons attribuer des qualités à des habitations qui n’en auraient pas forcément de prime abord. Apporter un peu plus de hauteur sous plafond, disposer des cloisons sans mur porteur, pouvoir donner une autre destination à un espace… De multiples astuces existent. Nous avons également imaginé le logement compensé. Une habitation située au premier étage au nord se voit ainsi attribuer la plus grande terrasse au dernier étage exposé plein sud tandis qu’une terrasse à un niveau inférieur est associée aux logements les plus hauts du bâtiment. Nous avons déployé cette solution à Grenoble avec Cogedim et sommes en train de le reproduire à Asnières.

Quel serait le rapport du logement idéal à l’espace extérieur ?

Vous l’aurez compris, les espaces extérieurs sont prédominants dans toute notre approche du logement. Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Dès les années 2000, nous avons livré « L’immeuble qui pousse » à Montpellier, avec des terrasses complètement déportées dans les arbres. Cette opération avait marqué les esprits, signe que le besoin d’espaces extérieurs qualitatifs était déjà présent. La crise sanitaire n’a fait que l’amplifier.

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