Tester la méthode « MFA »
Dans le cadre du programme d’innovation collaborative « HQE performance », après l’analyse de cycle de vie (ACV) du bâtiment en 2012, ce fut au tour de l’économie circulaire d’être évaluée en 2019. Ce test a notamment porté sur l’analyse des flux de matières (ou « MFA » pour Material Flow Analysis) constituant le bâtiment.
L’approche « MFA » permet de quantifier la contribution d’une opération de construction ou de rénovation à l’économie circulaire, et ce, à chaque étape de la vie d’un bâtiment : construction, exploitation et fin de vie. Cette démarche consiste à estimer et représenter visuellement, sur un périmètre délimité, les quantités de matériaux utilisés, de déchets produits et l’impact du transport lié à l’approvisionnement des matériaux et au traitement des déchets.
Depuis 2017, QUALITEL et EVEA ont travaillé ensemble pour co-construire une méthodologie d’évaluation de la contribution d’un bâtiment à l’économie circulaire basée sur le MFA. Celle-ci a été pensée pour être compatible et complémentaire à la future réglementation environnementale. Les résultats d’une étude RE2020 pourront ainsi être exploités en grande partie pour alimenter automatiquement une « MFA bâtiment » en s’appuyant sur les Fiches de Déclaration Environnementale et Sanitaire (FDES) et les Profils Environnementaux de Produits (PEP) hébergés dans la base INIES. C’est cette méthode qui a été testée pour toutes les typologies de bâtiment, en construction comme en rénovation, dans le cadre du test HQE Performance sur l’économie circulaire.
Expérimentation Économie circulaire : quels résultats ?
Une vingtaine de projets a ainsi fait l’objet d’une étude MFA :
- 2/3 de bâtiments neufs et 1/3 de bâtiments rénovés,
- comprenant 5 logements collectifs, 3 maisons individuelles, 7 bureaux et 5 autres bâtiments tertiaires.
Les résultats révèlent un déséquilibre global des flux de matière en entrée et en sortie :
- faible recours à des matières premières secondaires en entrée (en neuf et en rénovation) ;
- un potentiel important de valorisation en fin de vie (du béton principalement) : recyclage plutôt que réemploi ;
- très peu de réemploi en entrée et en sortie pour le neuf.
Pour la rénovation, le réemploi en entrée est important grâce aux éléments conservés (gros œuvre principalement, avec une masse élevée). Cependant, il n’y a quasiment pas d’intégration de recyclé et de réutilisation en sortie.
L’indicateur de circularité en sortie n’est pas une fin en soi. Il convient de considérer la demande existante pour le matériau obtenu et sa valeur environnementale. Par exemple, les éléments métalliques (poutrelles en acier…) présentent des indicateurs de circularité intéressants en entrée et en sortie. Par ailleurs, les choix de produits contribuant à l’économie circulaire, peu importants en masse, ressortent peu.
Concernant les indicateurs d’intensité de transport, ils sont plus élevés pour le transport des matériaux neufs sans contenu recyclé (quantité plus importante) et le transport des déchets recyclés (distance plus importante). Le transport des matières vierges en entrée est fortement lié aux éléments suivants :
- Gros œuvre (particulièrement le lot Superstructure) : distance faible mais quantité importante ;
- Second œuvre : Cloisonnement (parquet, plaques de plâtre, isolants…), Façade (ITE et enduits), Revêtements de sols/murs/plafonds (carrelages…). Pour ces éléments, les distances sont souvent plus importantes mais les quantités moindres.
Quels enseignements peut-on en tirer ?
La méthode s’est avérée intéressante pour les testeurs puisqu’ils ont découvert de nouveaux concepts et indicateurs qui apportent un aspect visuel et complémentaire avec l’ACV (analyse du cycle de vie). Le résultat en ce qui concerne la masse totale de ces flux peut donner des indications sur l’exhaustivité de l’ACV. Cette méthode, connectée à l’ACV, permet de valoriser des projets s’inscrivant dans une démarche d’économie circulaire, notamment les projets de rénovation.
Un rapport d’analyses des résultats est attendu, en croisant les résultats MFA avec ceux des ACV et plus particulièrement avec l’indicateur « épuisement des ressources ». Ces analyses doivent permettre d’améliorer la méthode afin qu’elle devienne plus facilement utilisable et généralisable, peut-être au travers d’un outil web.
Au vu de ces premiers résultats, on peut partager le constat d’un décalage important entre les entrées et les sorties, entre le recyclé (entrant) et le recyclable (sortant) pour les bâtiments neufs, l’équilibre semblant plus proche pour les bâtiments rénovés. Ce résultat fait écho à ceux de l’expérimentation ACV Rénovation qui mettait en évidence qu’un bâtiment rénové produisait a minima 2 fois moins de déchet qu’un bâtiment neuf.
La rénovation s’inscrit pleinement dans la logique d’économie circulaire.
Dès 2018, QUALITEL a mis en place un profil « économie circulaire » associé à sa certification multicritère NF Habitat – NF Habitat HQE pour la construction neuve et s’ouvrira à la rénovation en 2020. Les indicateurs qui résulteront des tests HQE Performance permettront de renforcer et de mieux concrétiser les exigences contenues dans le référentiel NF Habitat – NF Habitat HQE.
Par ailleurs, la loi ELAN a fixé des exigences en termes de ressources renouvelables et de contenu recyclé à garantir dans les produits. La méthode « MFA » proposée est donc tout à fait en phase avec la stratégie politique, et va même plus loin en donnant des outils d’évaluation et une réponse à l’atteinte de ces objectifs.